Une nuit au calme dans un grand lit sans barreaux ça fait du bien aux jambes...Ici à Lavacolla, je suis face aux champs, et il n'y a que les oiseaux pour me déranger cette nuit! Il ne me reste que 10km à parcourir pour arriver à Saint Jacques, pas les plus beaux certes mais les plus attendus. La température prévue aujourd'hui est d'environ 32° donc personne ne s'attarde ce matin et entre 7h30 et 8h toutes les fourmis sont sur la route et je ne suis pas le dernier... Je connais de mémoire le parcours, une petite côte, un peu d'eucalyptus, quelques maisons, puis on longe l'immeuble de la radio de Galice, puis la rtve(la télé nationale), puis un camping...je me souviens comme si c'était hier. Un petit stop sur le Monte del Gozo, toujours aussi moche le monument dédié à la visite de Jean-Paul II, et puis c'est la descente sur Santiago.
Comme toutes les grandes villes, avant d'arriver au cœur historique, il faut remonter les faubourgs, faire un contournement d'une partie de la ville et enfin rentrer dans la vielle ville, soit plus d'une heure de marche mais bon, personne n'est pressé et à un vrai pas de promeneur j'arrive pour 9h45 devant la cathédrale, qui est en plein travaux de rénovation...forcément l'impression n'est pas la même qu'il y a 4 ans, mais l'émotion d'être là est bien présente. Il est vraiment trop tôt pour aller à mon hôtel où commencer à me promener, surtout avec mon sac sur le dos. Je passe donc "certifier" mon arrivée à Santiago et prendre mon document à mon nom en Latin... Je rencontre Brigitte, la dame Suisse qui a préféré pousser un peu hier soir et dormir sur Santiago. On s'embrasse tout heureux d'être là au bout du chemin...et elle me donne des nouvelles des deux dames que je cherche depuis 2 jours pour le duvet. Elle leur a dit que je l'avais récupéré et que je les cherchais..." Ah mais non, c'était fait exprès pour que si quelqu'un en avait besoin il puisse le prendre"... Bien qu’un peu dépité je me dis que ce n'est pas très grave tout ça!!
On voit qu'on est mi juin, la saison a commencé et les touristes sont partout. Il y a encore quelques vieilles rues pas trop encombrées et je me rends à mon hôtel, pour faute de me changer, au moins poser mon sac. Je donne à la réceptionniste, en lui expliquant mon histoire de duvet, et elle me dit qu'ils ont l'habitude de donner beaucoup de matériel à une organisation caritative à côté de chez eux, parfait.
Le temps de prendre mon café du matin dans un bar de la vieille ville et il est l'heure de me rendre à la cathédrale pour la messe des pèlerins qui a lieu à 12h. Elle est bondée. Compte tenu des menaces d'attentat il y a bien sûr des conditions de sécurité et par exemple aucun pèlerin ne rentre avec son sac à dos, et des militaires sans armes circulent dans la cathédrale.
La messe sera émouvante avec comme je l'avais décrit la première fois une sorte de bulle émotionnelle dans laquelle tous les pèlerins se trouvent. C'est un moment personnel intense que je partage avec tous ceux que j'aime. Nous avons "droit" au balancier des 300kg de l'encensoir, en rentrant je chargerai la vidéo, c'est toujours impressionnant de le voir monter à plus de 25m... Et puis l'évêque de Santiago a terminé la messe en parlant du chemin, celui parcouru, celui qu'il allait falloir faire pour rentrer chez soi et reprendre le cours de sa vie et il dit que le chemin c'est l'Homme, le chemin c'est nous... seuls nos pas s'arrêtent, le chemin lui continue...
Il est temps de repasser à mon hôtel pour me doucher et me changer...et puis c'est le chemin du papa d'Anne-Marie qui semble se terminer, un SMS me prévient qu'il est en "semi coma" et aux urgences. Je suis très ému car il y a deux ans en rentrant du chemin du Puy en Velay, ma maman était décédée 1 jour après mon retour et le papa d'Emmanuel était lui parti pendant que je marchais. Il ne faudrait pas que ce chemin prenne rendez vous avec nos têtes blanches préférées et les emmène ailleurs à chaque fois que je suis dessus.
L'après midi sera tendue, je vais me promener et visiter à nouveau le Monastère de Saint Martin qui est me semble t-il un chef d'œuvre et qui date du IX siècle et tout au long de son histoire il a su développer avec les moines bénédictins un héritage culturel de l'époque de la renaissance, baroque et néoclassique se matérialisant en un spectaculaire ensemble d'architecture, retables, sculptures, peintures... Si il y en avait un que je voulais revoir, c'était celui là.
Le chemin c'est aussi la vie des autres qui s'ouvre parfois quand on ne s'y attend pas, tel Sébastien de Toulouse, un peu exubérant, un peu fatiguant parfois, mais qui cache sûrement une détresse personnelle qui aujourd'hui s'est un peu exprimée. Il faut écouter et trouver les mots...
Retour à l'hôtel, il fait 33° dans les rues de la vieille ville et j'ai trop chaud pour continuer à me promener. Je n'ai pas de wifi, celui de l'hôtel ne prend pas mon serveur Orange, et j'attends des nouvelles de France qui j'espère ne seront pas dramatiques.
Pour le moment on attend les résultats du scanner et il est pris en charge par les urgences, il fait des micros AVC, il va s'en sortir cette fois ci, pour combien de temps on ne sait pas, le chemin est compliqué...
Ainsi s'achève 34 jours de pérégrinations sur le "Chemin du Nord". Plus physique que le "Français" il est aussi plus nature, mais moins historique et spirituel comme je l'ai dit hier. J'ai eu plus de mal à faire des rencontres et échanger cette année, mais ça j'en suis sûrement responsable, et quand on a en tête des souvenirs d'un événement on essaye toujours de les faire revivre alors que la vie ne s'écrit jamais deux fois de la même façon... J'irai donc voir ailleurs pour écrire d'autres moments exceptionnels! Samedi je fais ma dernière étape de Santiago à Paris en passant par Barcelone. Le retour sera plus rapide que le voyage aller!! Réveil à 5h30 du matin pour prendre mon bus qui m'amène à l'aéroport, faire emballer mon sac à dos pour être certain qu'on ne vienne pas fouiller dedans, j'y ai tous mes souvenirs avec mon iPad et mon appareil photos, et puis se laisser porter pendant quelques heures avec d'autre sacs à dos, je ne suis pas tout seul à rentrer à travers le monde...
Bon week-end à tous et merci à ceux qui ont eu l'envie et la patience de me lire.
Je vous embrasse.